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La foule aux pieds légers, qui vole où le vent vole,
Le suivait par instinct, sans souffle et sans parole.

Quand il vit tout ce peuple, autour de lui béant,
Que dépassait du front sa taille de géant,
Comme un mât qui se dresse au sein de la tempête,
Il s’arrêta terrible et retourna la tête ;
Et d’un geste de dieu, d’une voix dont l’accent
Aurait fait remonter un fleuve mugissant :
« Est-il quelqu’un de vous qui garde au fond de l’âme
Du feu d’Adonaï quelque mourante flamme ?
Est-il quelqu’un de vous qui conserve enfoui
Dans les plis de son cœur le Dieu d’Adonaï,
Ce Dieu des opprimés dont le nom est un glaive ?
S’il en est un encor, qu’il parle et qu’il se lève !
Ce Dieu vient à la fin en moi vous visiter,
Affronter vos tyrans et les précipiter !… »

De la foule à ces mots de grandes voix montèrent,
Du livre dispersé mille pages flottèrent ;
Les disciples du juste, à sa voix ralliés,
Brisèrent les vils jougs dont ils étaient liés,
Et, du peuple étonné fendant la multitude,
Prirent des combattants le cœur et l’attitude.
Les lâches, par l’exemple à l’audace aguerris,
Secouèrent les fers dont ils étaient meurtris.
On n’entendit au loin qu’un cliquetis sublime
De chaînes qui tombaient sous l’enclume ou la lime :