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Dans la confusion de l’horrible mêlée ;
Une porte de fer, dans le granit scellée,
Restera, pour ta fuite, ouverte sous ces murs ;
Une esclave voilée, aux pas discrets et sûrs,
Au signal convenu t’y tracera ta route :
Quand tes pieds de la porte auront franchi la voûte,
Sous un bois de cyprès que tu traverseras
L’esclave remettra Daïdha dans tes bras.
Fuis comme le coursier que le tigre relance ;
Ton salut tout entier dépend de ton silence.
Fuis tant que le fardeau serré contre ton cœur
N’aura pas pour ta course épuisé ta vigueur.
Tu ne t’arrêteras qu’une heure avant l’aurore,
Vers un détour du fleuve, au pied d’un sycomore.
Là, sûr de ton trésor, tu le déposeras,
Et toujours sans parler, assis, tu m’attendras.
Avant qu’au firmament le jour commence à poindre,
Avec tes deux jumeaux je viendrai t’y rejoindre.
Ton bonheur tout entier se pressera sur toi.
Nous fuirons, nous fuirons ensemble, elle, eux et moi.
Si vous voulez encor que Lakmi puisse vivre,
Votre heureuse pitié me laissera vous suivre ;
Ou tu me diras : « Meurs » ; et tu m’étoufferas
Comme ce pauvre chien étouffé dans tes bras !
Adieu, l’heure suit l’heure, et le temps nous dévore.
Tu me remercîras au pied du sycomore. »
Elle dit, et jetant une lime à sa main,
Elle lui fit un signe, il comprit : « À demain ! »