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Cette nuit, au moment où le tyran des dieux
Pour m’ordonner ta mort m’appellera des yeux,
Foudroyé du poison préparé pour toi-même,
La pâleur de la mort sera son diadème.
Son cadavre à tes pieds tombera devant toi !
Silence ! audace ! amour ! un enfant t’a fait roi !… »
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Asrafiel, étonné, la vit fuir sans attendre
Le mot qu’à son regard l’effroi semblait suspendre :
« Insidieux serpent ! reptile impur ! dit-il ;
Poignard empoisonné dont la ruse est le fil !
Traîtresse qui faillis entre les mains d’un traître !
Ver qui pique le cœur ! chienne qui mord son maître !
Oui, je te laisserai de ton infâme dard
Vibrer tous les poisons qui sont dans ton regard ;
Rampe pour moi, serpent qui dans mes pieds s’enlace ;
Au trône où je prétends conduis-moi, fais-moi place !
Mais ne crois pas, perfide, y monter sur mes pas :
Toi seule y monteras, femme aux divins appas !
De toutes ces grandeurs que ce beau jour m’apprête,
Une femme sera la plus chère conquête !
Ses bras seront mon trône, et toi mon marchepied !
Oui, je t’aplatirai, vil scorpion, sous mon pied !
Et comme le frelon sur le miel qu’il exprime,
Va, je veux en montant t’écraser sur ton crime ! »

Mais Lakmi, déjà loin et sans penser à lui,
La rage dans le cœur, dans la foule avait fui.