Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/372

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Je le sais, ô Cédar, le ciel est entre nous ;
Les mortels ne devraient te parler qu’à genoux.
J’aurais dû pour toujours étouffer dans mon âme
Cet amour dont un mot a révélé la flamme,
Et, comme le charbon dans la main renfermé,
Ne découvrir mon cœur qu’en cendre consumé !
Et pourtant cet amour dont l’aveu seul t’outrage
Involontairement n’est-il pas ton ouvrage ?
N’as-tu pas relevé mon front humilié ?
N’as-tu pas rassuré mon amour par pitié ?
N’as-tu pas approché de ton sein qu’il adore
Ce cœur où l’étincelle était dormante encore ?
C’est toi qui l’allumas de ton souffle de dieu,
Est-ce ma faute, ô dis ! si la paille a pris feu ?
Si ton divin regard, qui consumerait l’ange,
En tombant sur la terre a consumé ma fange ?
Tout mon crime, ô Cédar ! c’est toi qui l’as commis !
Mais moi, je l’expierai d’un cœur humble et soumis.
Frappe-moi ! punis-moi du culte qui m’embrase !
Je bénirai ton pied si c’est lui qui m’écrase !
J’adorerai de toi jusques à ton mépris !
Esclave sans espoir, je servirai sans prix ;
À quelque abaissement qu’un geste me ravale,
Je mettrai mon orgueil à servir ma rivale !
De mes mains, pour tes yeux, j’ornerai ses appas !
Je serai devant toi le tapis de ses pas !
Je t’en entretiendrai pour tromper mon attente ;
Tu me diras : « Je l’aime », et je serai contente !
Je trouverai ma joie où d’autres ont leurs morts.
Mais ne me chasse pas de l’ombre de ton corps ;