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Elle admirait de loin, dans leur morne attitude,
Ces membres à leurs fers pliés par l’habitude,
Ce torse tressaillant aux reflets du flambeau,
Comme un dieu rajeuni qui sort de son tombeau ;
Ce corps que flétrissaient les taches de l’opale,
Ce visage pensif de jour en jour plus pâle,
Où le duvet naissant de l’homme à son été
Relevait de la peau le marbre velouté ;
Et, n’osant s’élancer vers ce sein qui l’attire,
Son amour contenu s’accroissait du martyre.
Jusqu’à ce que Cédar eût daigné lui parler,
Elle restait ainsi muette à contempler.
Telle au berceau d’un fils la jeune mère assise
Se penche et tour à tour se relève indécise,
Sent son âme voler à ce beau front vermeil,
Mais craint en le touchant de troubler son sommeil.

Cependant le captif, dont cette amitié tendre
Amollissait le cœur heureux de se détendre,
Et qui dans cet enfant sur ses chaînes couché
Ne voyait qu’un ami de son malheur touché,
Par son propre malheur s’attendrissant lui-même,
Impatient d’avoir un mot sur ce qu’il aime,
De sentir dans sa nuit un rayon de pitié,
Commençait à livrer son âme à l’amitié.
Sans soupçon de l’amour sous cet âge modeste,
Plus près, pour mieux l’entendre, il l’attirait du geste ;
Oublieux de son sexe, il n’apercevait pas
Le trouble dont Lakmi frissonnait sous son bras,