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Ouvre-moi les secrets de ta mélancolie
Comme le lis son urne au doigt qui le déplie :
Tout ce que tu diras tombera dans mon sein
Sans bruit, comme une pluie au milieu d’un bassin,
Et n’en fera jaillir, quoique je la retienne,
Qu’un peu d’eau de mon cœur qui se mêle à la tienne ! »

Ému par ce langage et par ce son de voix,
Cédar, sentant tomber des gouttes sur ses doigts,
De la séduction d’une pitié si tendre,
Vaincu par le malheur, cessa de se défendre,
Et le front tristement sur les mains appuyé,
Par le vent de la nuit l’œil souvent essuyé,
D’un son de voix tremblant que brisait sa mémoire,
Il lui fit de son cœur la merveilleuse histoire,
Depuis le premier jour où, né de l’inconnu,
Sous les cèdres divins il s’était trouvé nu ;
Où, voyant sous ses yeux une autre créature,
L’amour avait en lui complété la nature ;
Son indomptable instinct vers la fleur de beauté,
Ses combats, ses amours et sa captivité ;
Les troupeaux de Phayr gardés sur les collines,
De la vierge et de lui les rencontres divines,
D’amour et de pitié ces fruits charmants éclos,
Le courroux des pasteurs, sa chute dans les flots,
De la tour de la Faim Daïdha, délivrée,
S’enfuyant avec lui vers une autre contrée ;
Ce vieillard du rocher, père mystérieux,
De leur âme au grand jour ouvrant les faibles yeux ;