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Et, sans savoir en soi quelle source coulait,
De chacun de ses yeux une onde ruisselait.
Tels, en se pénétrant d’un regard plein de charmes,
Les yeux de deux enfants se font monter les larmes.

Cédar, en découvrant ces signes de pitié,
Sentait changer sa haine en muette amitié.
Dans les traits de Lakmi, femme, enfant, démon, ange,
De splendeur et de nuit mystérieux mélange,
Son regard, où le doute avec l’espoir entrait,
Ne pouvait démêler la terreur de l’attrait :
De la couleuvre ainsi que sur l’herbe on admire
Le froid glace la main que la couleur attire.
Ils restèrent ainsi longtemps silencieux,
Tantôt se regardant, tantôt baissant les yeux.
Enfin, Lakmi cherchant dans le fond de son âme
Tout ce qu’a de plus doux un son de voix de femme,
Accent que la pitié brisait de sa langueur
Et qui tremblait déjà du tremblement du cœur
« Ô fils d’Adonaï, génie, ange sans aile !
Dont les pleurs font pleurer ; qui pleures-tu ? dit-elle.
Pourquoi détournes-tu tes yeux puissants des miens ?
Ne briserais-tu pas d’un désir tes liens ?
Le ciel n’a-t-il pas mis dans ta mâle stature
Une force semblable à ta grande nature ?
Et, si tu te levais libre de ton séant,
Ne passerais-tu pas de l’épaule un géant ?
N’écraserais-tu pas un dieu dans chaque étreinte,
Toi dont l’œil est amour et dont le bras est crainte ?