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Comme un athlète armé du redoutable ceste
Se prépare au combat par la pose et le geste,
De ses membres d’aplomb éprouve la vigueur,
Et, foule à vide l’air sous son genou vainqueur,
Ainsi, mêlant tout haut la rage et la menace,
Son amour dans son âme enflammait son audace ;
Et dans ce cœur de feu la double passion
Poussait par la débauche à la sédition.
Sans pouvoir s’assoupir dans sa veille farouche,
Son corps impatient se tordait sur sa couche.

Reposant aux genoux de Nemphed endormi,
Que faisait cependant la perfide Lakmi ?
Dans un sommeil léger que le rêve entrecoupe,
Tenait-elle en esprit le poignard ou la coupe ?
Ourdissait-elle en songe, en dévidant ses fils,
Le sourire et la mort dans des complots subtils ?
Ses yeux savouraient-ils, prévoyant des supplices,
Les voluptés du sang versé pour ses délices ?
Non : par un seul coup d’œil son cœur était changé ;
Elle avait vu Cédar, le ciel était vengé.
Ce jeune homme si beau, cette humaine merveille,
Tenait ses yeux ouverts et fascinait sa veille :
Un seul regard l’avait dans son âme sculpté,
Comme un type inconnu d’immortelle beauté.
Ainsi l’éclair écrit la forme de la foudre
Sur l’arbre qu’il écorce ou sur le marbre en poudre !
Ses songes de douze ans ne l’avaient pas rêvé.
Ce buste sur le coude à demi soulevé,