Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/336

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À forger en acier le glaive sur l’enclume,
À tisser en duvets ou la soie ou la plume,
À souffler dans l’airain des vents mélodieux
Pour enivrer de sons les oreilles des dieux ;
À nuancer du doigt, sur les murailles peintes,
Pour leurs yeux enchantés, de merveilleuses teintes ;
À donner, sous l’effort de leurs habiles mains,
Au marbre le visage et les contours humains ;
À lécher, en rampant, sous leur langue avilie,
Des pavés de leurs dieux la surface polie ;
À découvrir la perle, à recueillir l’encens,
Inventeurs d’autant d’arts que le corps a de sens.

À ces travaux divers plié par l’habitude,
Chacun de son métier conservait l’attitude ;
On voyait qu’avec soin ces êtres abrutis
En outils animés étaient tous convertis,
Et que sous leurs tyrans l’imbécile esclavage
De l’image de Dieu faisait un vil rouage !
Il passaient, ils passaient, squelettes de la faim,
L’instrument de leur art élevé dans la main.
Les dieux les regardaient, foule immonde et grossière,
Comme le haut rocher voit passer la poussière :
Distraits, d’un coup d’œil même ils ne recueillaient pas
Cette adoration qui montait de si bas.

Subalternes tyrans commis à cet usage,
Des dieux inférieurs les comptaient au passage.