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Ils auraient fendu l’arbre et fait pleurer la pierre.
Mais les dieux ! rien d’humain ne mouillait leur paupière !
Arrachons-nous, dit l’homme, à ces embrassements ;
La lune court au ciel, profitons des moments :
Sur la tour, où bientôt va poindre la lumière,
Laisse-moi dans mes bras t’emporter la première.
— Sauve d’abord l’enfant, dit la mère, et reviens,
De ses bras détaché, me prendre dans les tiens ! »

Le jeune homme, à ces mots, dans une horrible transe,
Prend son fils sous l’aisselle, à la corde s’élance,
La presse des deux mains en renversant le front,
Y colle ses pieds joints comme un pasteur au tronc,
Et, sous le double poids dont cette échelle vibre,
En ménage avec soin l’ondoyant équilibre.
Ichmé les suit de l’œil et les soutient du cœur ;
Sa voix du jeune époux anime la vigueur.
Il atteignait déjà le tiers de la muraille ;
Soudain de pas humains le haut des tours tressaille :
L’ombre de corps géants s’y trace sur les cieux ;
La corde qui soutient le fardeau précieux,
Et dont le bout flottait, traînait jusques à terre,
Échappe, en remontant, à la main qui la serre,
De à, tenant toujours son fils, l’homme éperdu
Se balance à cent pieds sur la mort suspendu.
Le féroce bourreau qui fait vibrer le câble
Imprime aux corps flottants un branle épouvantable ;
Les oscillations se doublent par le poids,
On dirait que l’on veut les briser aux parois.