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Tâtonnant les murs froids dans une demi-nuit,
Inquiète, elle tendait l’oreille au moindre bruit.
Tout à coup des pas sourds lui font lever la tête,
Quelqu’un monte à la tour et paraît sur le faîte ;
Il incline son corps sur l’abîme profond,
Et son regard errant semble chercher au fond.
Un cri part à la fois du sommet, de la base ;
Ichmé lève les mains dans une folle extase :
C’est Isnel, son amant, c’est son ombre ou c’est lui ;
Un éclair de bonheur dans ses larmes a lui !
« Ichmé, murmurait-il, oh ! quel dieu nous rassemble !
Quoi ! c’est vous que je vois ? Quoi ! tous les trois ensemble ?
Oh ! quelle nuit pourrait m’empêcher de vous voir ?
Mais es-tu seule au fond de cet abîme noir ?
Nulle oreille des murs ne peut-elle m’entendre,
Nul œil nous découvrir, nul piége nous surprendre ?
— Oh ! parle ! répondait la captive à l’époux,
La distance et la nuit sont seules entre nous.
Mon cœur abandonné s’élance à ta parole ;
Je te tends sur mes bras notre enfant, ton idole :
Car sur mon sein tari, qui bat à ton accent,
Il a souri de joie en te reconnaissant.
De mon cachot obscur par une porte ouverte
J’ai traîné mes pieds nus dans cette cour déserte,
Pour faire respirer à notre pauvre enfant
L’air qui tombe des nuits ici moins étouffant.
Nul pas n’y retentit et nulle voix humaine ;
Mon oreille n’entend rien que la rude haleine
Des lions enchaînés dans ces antres obscurs,
Dont les rugissements font frissonner les murs !