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L’âme humaine fuyait sous le dernier affront,
Et les cheveux, d’horreur, se dressaient sur le front !…
Par des êtres vivants l’impie architecture,
Pour enivrer les yeux, remplaçait la sculpture.
Sur la frise de marbre en foule circulait
Un long groupe que l’art mêlait et démêlait :
Femmes, enfants, guerriers, combats, plaisirs célestes ;
D’autres acteurs changeaient d’attitude, de gestes,
D’un long fleuve de vie intarissable cours
Disparaissant sans cesse et renaissant toujours.
Muets comme le marbre, ils glissaient comme l’ombre :
Leur ondulation multipliait leur nombre ;
Rapetissés à l’œil par leur éloignement,
À peine voyait-on leur léger mouvement.
On eût dit, à les voir animer cette frise,
Entre l’être et la mort la matière indécise,
Sous l’art surnaturel d’un magique pouvoir,
Avant de vivre encor forcée à se mouvoir.


Pour supporter le poids de cent mets délectables,
Les dieux jamais n’usaient de trépieds ni de tables,
C’était pour leur orgueil un avilissement
Que d’étendre la main vers le nectar fumant :
D’esclaves à genoux un admirable groupe
Sur leurs bras élevés leur présentant la coupe,
Avec leurs doigts de neige en corbeilles tressés
Imitaient devant eux des trépieds tout dressés,
Essuyaient sur le marbre, avec leur chevelure,
Du banquet ruisselant la lie ou la souillure,