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Elle errait à son gré dans ce palais des vices,
Pour prendre tous les cœurs à ses vils artifices.
Tantôt elle tendait l’astucieux filet
De ses ruses de femme aux sens qu’elle troublait ;
Dans les cœurs alléchés semait les espérances,
Affectait des penchants, montrait des préférences,
Jetait ces demi-mots dont le sens fait rêver,
Par ses adorateurs les laissait achever.
Tantôt, dans les accès d’un abandon folâtre,
Se donnant en spectacle à la foule idolâtre,
Par la danse ou le son du luth mélodieux
Elle enchantait l’oreille et captivait les yeux ;
Âme parmi ces corps, sa vive intelligence
Dominait les instincts de cette vile engeance.
Le sourire hébété l’applaudissait toujours.
Tantôt s’interrompant par quelques fous discours,
Comme un enfant distrait qu’un vol de mouche entraîne,
Déposant, pour jouer, la majesté de reine,
Aux regards étonnés des femmes, des géants.
Elle allait se mêler aux plaisirs des enfants,
Se laissait défier aux luttes et aux courses,
Jouait avec le sable ou l’écume des sources,
Trempait comme eux ses pieds, et de ses vêtements
Semait sur les gazons l’or et les diamants ;
Comme si de ses jeux la présence et l’image
L’arrachaient à son rang et lui rendaient son âge !
Aussi toutes les voix partout la demandaient ;
Tous les fronts à ses yeux, sombres, se déridaient.
Sous la fausse couleur dont il gardait, l’empreinte,
Le sien à force d’art écartait toute crainte.