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Faisant pâlir de loin ses ministres tremblants,
Sous ses portiques d’or il s’enfonce à pas lents ;
Et le front dans les mains, terrible et sombre geste,
Il s’assied au banquet sur le trône céleste.

Or, au bruit de ces voix, aux vapeurs de l’encens,
Quelle distraction assombrissait ses sens ?
Aux éclats de plaisir des immortels convives,
Que roulaient dans son front ses deux tempes pensives ?
De ce nuage obscur quel éclair sortirait ?…
Nemphed de sa pensée avait seul le secret.
Adopté par les dieux dès sa première enfance,
Sans mère, sans amour et sans reconnaissance,
Dans l’intrigue des cours dès ce jour renfermé,
Nul sentiment humain en lui n’avait germé.
Son âme sans attraits n’était qu’intelligence ;
Ses passions, orgueil, ambition, vengeance :
Monter était pour lui l’univers tout entier,
Quel que fût sous ses pas l’abîme ou le sentier ;
Et comme il avait vu, dans les célestes luttes,
Que les grands pas étaient suivis de grandes chutes,
Pour gravir du pouvoir le sommet escarpé,
Sa sourde ambition dans l’ombre avait rampé ;
Pour briser tout obstacle à sa fourbe sublime,
Sa main au lieu du glaive avait saisi la lime ;
Soumettant à tout prix son orgueil débouté,
De bassesse en bassesse il avait tant monté,
Il avait tant flatté les vanités pressées,
Avait tant infiltré sous terre ses pensées,.