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Quant à cette beauté qui les baigne de larmes,
Portez-la comme un dieu sans regarder ses charmes ;
Mes regards l’ont choisie au milieu du troupeau :
Qu’on rompe les liens qui froisseraient sa peau !
Que l’huile de la menthe et les larmes de l’ambre
En rosée odorante inondent chaque membre ;
Qu’on égoutte les fleurs pour composer son bain ;
Que le lait soit son eau, que le miel soit son pain,
Et que sur ses tapis elle n’ait pour entraves
Que les bras complaisants de vingt belles esclaves ! »

Il dit. Obéissant à ces accents sacrés,
Et de la tour sonore inondant les degrés,
Les esclaves courbés accomplissent son ordre.
En vain de Daïdha l’on voit les bras se tordre ;
En vain sa voix brisée invoque son amant :
Le rire répond seul à son gémissement.
Aux angoisses du cœur de la charmante proie,
Aux soubresauts du sein sous les ondes de soie,
Aux palpitations de ses muscles souffrants,
Nul signe de pitié n’attendrit ses tyrans.
Des grâces du supplice ils repaissent leur vue,
Comme si cette femme était une statue.

Nemphed, par ce spectacle et ces cris fasciné,
La suit jusqu’au palais aux reines destiné.
Il détache à regret ses yeux de ce visage ;
Puis, le front tout rêveur et chargé d’un nuage,