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De son front foudroyé la beauté tendre et mâle,
La jeunesse et la mort luttant sur son teint pâle ;
Son corps qui semblait là du ciel précipité,
Sa taille, sa splendeur, son immobilité,
Le faisaient ressembler à la pâle statue
De quelque dieu de marbre à nos pieds abattue,
Dont les lézards rampants craignent de s’approcher,
Et qu’en la mesurant la main n’ose toucher.
Insensible au regard qui tombait sur lui-même,
Quand le géant orné du divin diadème,
Jetant sur Daïdha un coup d’œil de trop près,
D’un avide regard profanait ses attraits,
Il relevait soudain son front mélancolique,
Contractait son sourcil sur son regard oblique ;
On voyait dans son œil son esprit flamboyer :
Cet éclair contenu paraissait foudroyer,
Et ses fers, secoués d’un bond involontaire,
Sonnaient comme un faisceau que le vent jette à terre ;
Les reines pâlissaient de frisson, et le roi
Laissait tomber la torche et reculait d’effroi !
Tel quand un bûcheron dans un chêne encor tendre,
Après l’avoir coupé, met le coin pour le fendre,
Dans le tronc entr’ouvert s’il enfonce les doigts
Pour voir saigner la sève et se tordre le bois,
Les deux bords rapprochés de la profonde entaille
Saisissent tout à coup l’homme dans leur tenaille ;
Vainement il secoue un bras désespéré ;
L’arbre emporte la main qui l’avait déchiré.