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Comme des chiens dressés traînent, souillé d’écume,
Blessé, sanglant, l’oiseau dont ils mordent la plume,
Ils portèrent meurtris, dans leurs bras triomphants,
Aux pieds du roi des dieux le couple et les enfants.


L’aspect inattendu de cette jeune proie
Arrache à tous un cri de surprise et de joie ;
Un silence succède à ce ravissement.
Aux clartés d’un flambeau promené lentement,
Qui dans l’obscurité frappant chaque visage
Semblait faire sortir un ange d’un nuage,
Les deux bras soulevés par l’admiration,
Les géants l’exhalaient en exclamation.
Ils dévoraient des yeux, dans leur amour sans âme,
Le torse aérien de cette jeune femme,
Ces membres qu’ombrageaient, de sa tête à ses piés,
Par l’haleine des nuits ses cheveux dépliés ;
Ces épaules de marbre, où des frissons de crainte
De ses sensations faisaient courir l’empreinte ;
Ces bras qui se tordaient d’horreur sur les carreaux,
Et d’un geste impuissant repoussaient les bourreaux ;
Ce cou dont la tristesse alanguissait la courbe,
Comme un palmier pliant sous le fruit qui le courbe ;
Cette bouche entrouverte, aux deux bords de vermeil,
Grenade de damas éclatée au soleil,
Et d’où semblait sortir, avec sa faible haleine,
De souffrance et de doute une âme toute pleine ;
Ce pli de la douleur entre ses deux sourcils,
Ces perles qui brillaient sur le bord de ses cils ;