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Le saint fleuve déjà d’avenir bondissait,
Et de Génésareth le lac éblouissait !
On eût dit que leurs eaux pressentaient sous les âges
Les grands pas qui devaient sacrer leurs saintes plages.

Les cimes du Liban, qu’ils avaient à franchir,
Devant les nautoniers commençaient à blanchir ;
Ils entendaient grossir cet immense murmure
Qui sifflait nuit et jour parmi sa chevelure,
Comme un souffle lointain de l’inspiration
Que donnerait le cèdre aux harpes de Sion.
Ils voyaient ondoyer en bas, à grandes ombres,
La bruissante mer de leurs feuillages sombres ;
Leurs flèches frémissaient sous le sillon grondant ;
L’astre du jour déjà baissait vers l’occident.
Au-dessus d’une sombre et profonde vallée,
La barque suspendit soudain sa course ailée,
Et, comme dans une anse à l’abri du rocher
Le corsaire d’Ydra plonge pour se cacher
Jusqu’à l’heure où la nuit obscurcira sa voile,
Le long du mât couché faisant plier sa toile,
Le pilote laissa son esquif onduler
Jusqu’au soir, sous la lune, au doux roulis de l’air.
Comme un oiseau qui part de la branche ébranlée,
La barque s’éleva vers la voûte étoilée,
Doubla comme un grand cap dans le ciel menaçant
Du Sannin nuageux le sommet mugissant,
Du Liban qui décroît redescendit la pente
Vers la plaine profonde où l’Euphrate serpente,