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N’entend monter d’en bas sur le gouffre profond
Le bruit d’un corps qui tombe et qui se brise au fond.
Déjà des noirs écueils une pointe avancée
Du sage avait brisé la tête et la pensée ;
L’écume de la mer, en jouant sur ces bords,
Menait et ramenait les restes de ce corps ;
Et les aigles, broyant ce crâne séculaire,
Emportaient par lambeaux ses cheveux dans leur aire.

Les bourreaux, retournant à la grotte un moment,
Rallument le bois sec dans le foyer dormant,
Jettent le livre saint page à page à la flamme,
Le regardent brûler comme un poison de l’âme,
Qui, versant dans les cœurs justice et liberté,
Pouvait de son sommeil tirer la vérité.
Pour que toute lueur avec lui dispersée
N’en laisse pas revivre une seule pensée,
Ils en jettent la cendre aux quatre vents des cieux ;
Mais le vent que Dieu souffle, et qui trompe leurs yeux,
De cette cendre ardente où se brûlent ses ailes
Emporte au monde entier les saintes étincelles,
Comme un semeur divin qui sème où Dieu prescrit
Pour les peuples futurs les moissons de l’esprit,
Et chaque nation que la terre renferme
Dans ses sillons, plus tard, en trouvera le germe…

Le couple cependant, du martyre témoin,
Du fond de sa terreur avait tout vu de loin :