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De son bras, à ces mots, une contraction,
Imprimant à la corde une vibration,
Fait rebondir trois fois, comme un poids qu’on secoue,
Le vivant sur le vide où son destin se joue,
Puis contre le rocher le ramène meurtri !
« Eh bien, pour achever, j’attends ton dernier cri.
Parleras-tu, vieillard ? Vois, la corde se broie,
Et le gouffre vengeur mugit après sa proie ! »
Mais le vieillard, levant un œil serein et doux :
« Qu’attendez-vous ? dit-il ; mon Dieu ! je crois en vous !
J’y croyais au séjour du mensonge et du crime,
J’y croyais dans la vie, et j’y crois sur l’abîme.
Que ce seul cri s’élève et revive après moi ;
Dans la mort que je sens, je tombe avec ma foi ! »

Dans la corde, à ce cri, la lame qui s’enfonce
Au généreux martyr est la seule réponse.
Les bourreaux, avançant la tête sur les bords,
Regardent s’abîmer et tournoyer son corps :
Les membres déchirés, les cheveux, les entrailles,
Sèment de leurs lambeaux ces sanglantes murailles ;
Ils attendent longtemps que de son dernier choc
Le bruit terrible et sourd ait remonté le roc ;
Il remonte à la fin du fond noir de l’abîme,
Tardif, mais obsesseur, comme l’écho du crime ;
Leur oreille l’entend comme tout autre son,
Sans plus de repentir et sans plus de frisson
Que le berger assis au penchant des collines,
Qui fait rouler la pierre au fond de leurs ravines,