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Comme deux saints enfants, en baissant leurs paupières,
S’avancent vers le seuil des maisons de prières.
Car c’était le moment où le saint prosterné
Leur faisait rendre grâce à Dieu du jour donné,
Et, bénissant leurs nuits sous ses yeux commencées,
Nourrissait leur sommeil de ces saintes pensées.
Jamais l’homme divin n’avait autant tardé
À venir au-devant du couple intimidé ;
Les jumeaux, assoupis sur la mamelle pleine,
Dormaient déjà ; le son de leur paisible haleine,
Qui faisait de la mère ondoyer les cheveux,
Était l’unique bruit qui fît souvenir d’eux.
Les époux, étonnés de ce retard du sage,
Sans attendre l’appel s’approchaient davantage.
Du rocher par le soir jusqu’au fond éclairé,
S’encourageant l’un l’autre, ils montaient le degré,
Et, l’épaule appuyée aux noirs piliers de l’antre,
Contemplaient le vieillard assis à terre au centre.

Sur ses maigres genoux le saint livre fermé,
Par l’inspiration son front pâle animé,
Des roses de la vie une légère teinte
Montant d’un cœur ardent à la pommette éteinte,
Comme ces feux plus vifs dont le soleil penchant
D’un fugitif adieu colore le couchant ;
Au tremblement léger de sa lèvre plus blême
On voyait le vieillard se parler à lui-même.
Mais lui, comme un regard ébloui par le feu,
Ne voyait nul objet entre son âme et Dieu.