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» Tu ne lèveras point la main contre ton frère,
Et tu ne verseras aucun sang sur la terre,
Ni celui des humains, ni celui des troupeaux,
Ni celui des poissons, ni celui des oiseaux :
Un cri sourd dans ton cœur défend de le répandre,
Car le sang est la vie, et tu ne peux la rendre.
Tu ne te nourriras qu’avec les épis blonds
Ondoyant comme l’onde aux flancs de tes vallons,
Avec le riz croissant en roseaux sur tes rives,
Table que chaque été renouvelle aux convives ;
Les racines, les fruits sur la branche mûris,
Le trop-plein des rayons par l’abeille pétris,
Et tous ces dons du sol où la sève de vie
Vient s’offrir de soi-même a ta faim assouvie :
La chair des animaux crîrait comme un remord
Et la mort dans ton sein engendrerait la mort !
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» Tu boiras l’eau du ciel que la source distille,
Et tu n’exprimeras dans ta coupe d’argile
Ni les sucs du pavot qui verse le sommeil,
Ni le jus enivrant du pampre au fruit vermeil.
Entre l’âme et les sens, la sagesse infinie
A de son doigt divin établi l’harmonie.
Tu la respecteras, l’ivresse la détruit ;
Quand la raison s’éteint, ton âme est dans la nuit :
Dieu ne se réfléchit que dans un œil limpide ;
Qui ternit le miroir, par l’âme est suicide !