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— Oh ! dans quel coin du monde habite-t-il, mon père ?
Des montagnes aux mers, voyageur sur la terre,
Pour chercher un rayon de pure vérité,
J’ai laissé le pays par mon père habité,
Et la tombe où ma mère attend là-bas mon âme ;
J’ai pris par chaque main cet enfant, cette femme,
J’ai confié leur vie aux flancs de ce vaisseau,
Comme on emporte tout dans le pan d’un manteau ;
J’ai risqué mes trésors, mes amours et ma vie.
Que voulez-vous de plus qu’un homme sacrifie ?
— Eh bien, quand, au retour, de ces flots en courroux
L’abîme engloutirait et ces trésors et vous,
Vous n’auriez pas payé trop cher ce grand spectacle,
Et sur la nuit des temps un éclair de l’oracle.
Mais sur quels bords lointains vit cet homme de Dieu ?
Et qui m’enseignera le chemin et le lieu ?
— Levez les yeux, mon fils ; vous voyez sur nos têtes
Ce groupe du Liban, tout voilé de tempêtes,
Dont les vastes rameaux, des feux du ciel fumants,
Blanchissent au soleil comme des ossements.
Là les fentes du roc laissent sortir de terre
De distance en distance un sombre monastère.
En les voyant d’ici, l’œil même du nocher
Ne saurait distinguer leurs murs noirs du rocher ;
Semblables à des caps qui brisent des nuages,
Ils s’élèvent au ciel d’étages en étages,
Noyés par les vapeurs dans les vagues de l’air ;
On n’en voit quelques-uns qu’aux lueurs de l’éclair.
Nul n’en saurait trouver la route que les aigles.
Tout un peuple pourtant suit là de saintes règles,