Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/229

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et de persécuter par le fer et le feu
Dans le cœur des mortels tout nom d’un autre Dieu.
Tous ceux qu’ils soupçonnaient de connaître le livre
Subirent les tourments et cessèrent de vivre ;
Sous le tranchant du fer nul ne le confessa ;
De mourir pour son âme aucun ne se lassa.
Mais, craignant que le nom en qui le monde espère
Ne mourût à jamais avec nous sur la terre,
Je m’enfuis en secret de l’infâme cité,
Emportant sur mon cœur la voix de vérité ;
Je lassai les bourreaux qui poursuivaient ma trace ;
Dieu m’ouvrit cet asile, et je lui rendis grâce !


» Avec le livre saint j’habitai dans la nuit ;
Mais qu’est-ce qu’un flambeau, mes enfants, s’il ne luit ?
Que me servait de vivre éclairé de ma flamme,
Si mes frères mouraient dans la nuit de leur âme ;
Si le nom du Très-Haut, éteint sur l’univers,
Laissait le crime au trône et l’esclave à ses fers ?
Je voulus conserver après moi dans le monde
De ce livre divin la semence féconde ;
À mes frères souffrants je voulus quelquefois
Jeter de grands accents de l’immortelle voix,
Afin que dans leurs cœurs un cri sourd d’espérance
Leur annonçât de loin des jours de délivrance.


» Dès mon enfance instruit des arts mystérieux
Qu’on enseigne dans l’ombre aux successeurs des dieux,