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Vers ce trésor secret son bras nu s’étendit,
Puis, d’une voix mourante et basse, elle me dit  :
« Quand je ne serai plus, soulève cette pierre :
» Le trésor du Seigneur est là dans la poussière !
» Quand je fus enlevée aux champs de nos aïeux,
» De tout ce que leur tente avait de précieux,
» Comme un homme surpris cache ce qu’il dérobe,
» Je n’emportai, cachés dans les plis de ma robe,
» Que les feuillets épars par les anges écrits
» De nos livres sacrés du père au fils appris,
» Comme une voix natale aux plages étrangères
» Qui m’y reparlerait des choses de mes pères. »


» Or, les livres, enfants, sont en effet la voix,
Aux hommes d’aujourd’hui, des hommes d’autrefois.
Cette voix parle aux yeux dans les lignes tracées
Où revivent sans corps d’invisibles pensées ;
Où, comme un pied humain dans le sable s’écrit,
L’esprit voit à jamais les traces de l’esprit ;
Don des anges amis, invention féconde
Qui rend l’âme mortelle immortelle en ce monde,
Et par qui, des deux bords du temps, converseront
Ceux qui furent un jour avec ceux qui seront !


« Prends ce livre divin, continua ma mère :
» C’est l’âme de mon âme et l’esprit de mon père ;
» À la main d’un mortel c’est Dieu qui l’a dicté,
» C’est le germe enfoui de toute vérité !