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Partout pleines, partout comme grasses de chair,
Ces cimes que noyait l’océan bleu de l’air
S’élargissaient, montaient, ou seules ou jumelles,
De la terre encor vierge, ainsi que des mamelles
Que fait renfler un sang plein de séve et d’amour,
Et dont la plénitude arrondit le contour.
Ces neiges, dont le poids semble affaisser leurs hanches,
N’opposaient pas alors leurs mornes taches blanches
Au bleu sombre et profond d’un firmament plus pur,
Où le vert des rameaux se fondait dans l’azur,
Comme au bleu d’une mer qui dort sous le rivage
Le vert des bois se fond en doublant son image.
Jusqu’aux derniers plateaux que l’homme ne voit plus,
Les chênes aux bras tors, les cèdres chevelus,
S’élançaient hardiment en vivante colonne,
Pour porter à cent pieds leur flèche ou leur couronne,
Ils décoraient la terre et ne la cachaient pas ;
De larges pans du ciel s’ouvraient entre leurs bras,
Pour que les vents, le jour, l’humidité céleste,
De la création visitassent le reste.
La foudre quelquefois semant leurs troncs noircis
Sur des croupes à pic les avait éclaircis ;
Les torrents en avaient balayé leurs rivages,
Et laissé pour les yeux des vides sur leurs plages ;
De sorte qu’entre l’onde et ces grands troncs épars
Les pelouses laissaient circuler les regards,
Comme entre les piliers d’un dôme qu’il éclaire
Le soleil fait jouer son rayon circulaire.
De là brillaient les lacs à travers les rameaux ;
Les sept fleuves creusaient sept vallons sous leurs eaux,