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Votre front, qui n’est plus qu’un vieux crâne blanchi,
Du poids de l’Océan n’avait jamais fléchi,
Et les flots du déluge, en minant vos collines,
N’avaient pas sur vos flancs déchiré ces ravines.
Vous ne laissiez pas voir, comme un corps sans manteau,
Ces rocs, grands ossements prêts à percer la peau ;
Mais vos muscles puissants, vaste épine d’un monde,
Revêtus à grands plis de bois, de sol et d’onde,
Dessinant sur le ciel d’harmonieux contours,
Même en s’y découpant s’arrondissaient toujours.
Si vous les aviez vus, mon enfant, dans leur gloire,
Tels que je les revois de loin dans ma mémoire,
Dans ces jours encor près de la création,
Votre œil fondrait d’amour et d’admiration !
Vous voyez sur ces bords qu’évite notre poupe
Ces écueils mugissants que la lame découpe,
Ces grands blocs dentelés, effroi du matelot,
Où monte et redescend l’assaut grondant du flot ;
Vous voyez dans les flancs des monts ces déchirures,
Coups de hache au rocher qui montre ses blessures,
Et d’où par intervalle un rare filet d’eau
Pleut comme la sueur d’un flanc sous un fardeau,
Puis ces granits sans ombre et ces cimes chenues
Dont les escarpements semblent porter les nues ;
Et qui font dire à l’homme avec un cri d’effroi :
« Ce globe fut-il fait pour la pierre ou pour moi ? »


» Eh bien, cette âpreté n’est que décrépitude.
Tout était aussi grand, mon fils, rien n’était rude ;