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Et pressant sur son cœur ses fils furtivement,
Les baisait en idée à chaque battement.


Cependant le vieillard, comme quelqu’un qui pense,
Le front entre ses doigts, demeurait en silence ;
Puis il dit aux époux : « Couple innocent d’amour,
Consacrez par vos pas mon sauvage séjour.
Celui qui fait germer l’herbe où l’agneau doit paître
Vous amène sans doute ici pour le connaître ;
Vous remplirez de joie et d’amour ce beau lieu.
Dieu seul manque à vos cœurs, je vous apprendrai Dieu. »
Et prenant par la main la belle créature
Qui s’ombrageait les yeux avec sa chevelure,
Comme Dieu conduisait son couple dans Éden,
Il les mena tous deux dans un brillant jardin.
C’était un sol en pente aux flancs de la montagne,
D’où les yeux dominaient la mer et la campagne,
Et qu’un rocher glissant, et droit comme un rempart,
De son mur de granit cernait de toute part.
Une source tombant d’une grotte profonde
Sur les fleurs en rosée y distillait son onde,
Puis, humectant du sol les velours diaprés,
Allait un peu plus bas désaltérer les prés.
On l’entendait chanter, en épanchant sa gerbe,
Comme un vol gazouillant d’alouettes dans l’herbe :
Tous les beaux animaux de notre race amis
Y buvaient, ou, couchés, s’y groupaient endormis.
Mille oiseaux, variés de voix et de plumages,
A l’envi de ces flots chantaient sous les feuillages,