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Et jusqu’au toit fumant, d’où l’homme même a fui,
Retrouver son enfant ou périr avec lui :
Telle, avant que son cœur réfléchisse et balance,
Sur les pas de Cédar sa compagne s’élance.
Le cap oppose en vain sa pente à leur élan,
Leurs pieds sûrs défîraient le chamois et l’élan ;
On dirait que leur cœur vers le ciel les soulève ;
De corniche en corniche ils passent comme un rêve ;
Leur bouche ne prend pas le temps de respirer,
À peine sentent-ils leurs mains se déchirer :
Leur œil, sur qui l’amour jette un voile sublime,
Ne voit pas sous leurs pas s’approfondir l’abîme ;
Aux plantes par les mains suspendus quelquefois,
Et cherchant un appui du pied sur les parois,
Aux coups du vent des mers qui sur le cap se brise,
Ils flottent balancés comme l’herbe à la brise.


Mais au-dessus des rocs qu’ils franchissent enfin,
La pente s’adoucit ; un sol à gazon fin
Entre un rempart et l’autre à leurs pieds se déroule ;
En ruisseaux serpentants un filet d’onde y coule ;
Au-dessus du glacis d’où tombent ces ruisseaux,
Une large caverne élève ses arceaux.
Ils courent haletants, ils entrent sous la roche ;
Un aigle colossal s’envole à leur approche,
Et du vent de son aile à demi renversés,
Les précipite à terre éblouis, terrassés.
Mais le cœur maternel, tremblant pour ce qu’il aime,
Combattrait dans la nue avec la foudre même.