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De peur que du rocher le flot redescendant
N’emportât son amour dans l’abîme grondant.
La vague par moments, comme une blanche toile
Se déroulant sur eux, les couvrait de son voile,
Puis, déchirant aux rocs le vert tissu des eaux,
Sur leur corps ruisselant retombait en lambeaux.
Pour avancer d’un pas sur la grève inégale,
Leurs yeux d’un flot à l’autre épiaient l’intervalle :
Leur mort ou leur salut dépendait d’un clin d’œil ;
Enfin de gouffre en gouffre et d’écueil en écueil,
Tantôt touchant le fond et tantôt à la nage,
Ils doublèrent le cap, et virent l’autre plage,
Qui déroulait au loin sur le flot attiédi
Sa verdure bronzée aux rayons du midi.


À je ne sais quel dieu dans leur cœur rendant grâce,
Les deux amants ravis revinrent sur leur trace ;
Et Cédar, arrivant à peine le premier,
Pour prendre les enfants inclina le palmier.
Déjà, se grandissant vers eux d’une coudée,
Daïdha de baisers les couvrait en idée,
Et, sur l’orteil dressée et les deux bras tendus,
Attendait qu’à son sein Cédar les eût rendus,
Quand, au niveau de l’œil abaissant le tronc d’arbre,
Tout leur sang devint glace et leur front devint marbre :
Dans le cœur du palmier les enfants n’étaient plus !…
Alors l’air se remplit de leurs cris éperdus !
Dans la confusion de leurs mille pensées,
Portant partout leurs pas et leurs mains insensées,