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Sur les bras de Cédar, en cherchant les morsures,
Sa main ne trempa pas dans le sang des blessures ;
Le lion qu’à ses pieds Cédar avait couché,
Au lieu de le broyer, semblait l’avoir léché.
Le sommeil referma leur pesante paupière.
Quand elle se rouvrit enfin à la lumière,
Cherchant leur ennemi mort sous leur pied vainqueur,
À sa vue, un seul cri s’échappa de leur cœur ;
Les amants consternés, mornes, se regardèrent
Et d’attendrissement leurs regards s’inondèrent :
Ce lion dont la langue avait soif de leur sang,
Des troupeaux de Cédar c’était le chien gisant !
De sa captivité compagnon volontaire,
Le seul ami longtemps qui l’aima sur la terre !
Que Daïdha flattait, qui léchait les jumeaux !…
Quand il eut vu son maître englouti dans les eaux,
Pour retrouver son corps longtemps suivant la rive,
Mais bientôt devancé par l’onde fugitive,
Hurlant de désespoir, il avait descendu
Le large cours des eaux vers son maître perdu,
Jusqu’au sable où la mer déferle sur la plage ;
Il avait traversé l’embouchure à la nage ;
Et, retrouvant enfin sur le limon foulé
Un pied d’homme récent dans le sable moulé,
Il avait pris sa course, en quêtant place à place ;
Et perdant, retrouvant cent fois la même trace,
Sans flairer en passant les pieds de la tribu,
Aux eaux qu’il traversait sans avoir même bu,
Il était accouru, prompt à le reconnaître,
Mourir, pour son amour, de la main de son maître !