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Pressé de ces trois cœurs dont il était l’appui,
Il croyait emporter l’univers avec lui !
Et Daïdha, soufflant à son front des caresses,
Essuyait la sueur avec ses molles tresses !
Tantôt un roc pendant sur un ravin profond,
Se dressant comme un mur, avec un gouffre au fond,
Entr’ouvert sous leurs pieds, s’opposait à leur marche :
Si des arbres couchés n’y jetaient pas une arche,
Cédar laissait la mère et ses fils sur le bord,
Pour sonder le passage y descendait d’abord,
Puis, s’assurant l’orteil sur d’étroits interstices,
Levait vers eux les bras du fond des précipices ;
Des mains que Daïdha de plus haut lui tendait,
Recevait dans ses mains l’enfant, qu’il descendait,
Le couchait dans les fleurs, remontait pour son frère,
Prêtait comme un degré son épaule à la mère ;
Puis au fond du ravin tous les deux descendus,
Au mur de l’autre bord par les mains suspendus,
Et formant de leurs bras une mobile échelle,
Il élevait en haut l’enfant qu’il prenait d’elle.
Si des monts quelquefois le fleuve ou le torrent
Opposait à leurs pas son rapide courant,
Cédar, qui le premier le passait à la nage,
Déroulait en nageant la liane sauvage,
La tirait des deux mains, et comme un câble fort
La nouait par le bout au tronc de l’autre bord :
Sur les flots écumants la liane tendue
Prêtait à Daïdha sa corde suspendue.
Retournant sur ses pas, un enfant dans la main,
Cédar, de nœuds en nœuds, lui traçait le chemin ;