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Dans l’océan de joie où son cœur s’abîmait,
Il lui semblait que tout aimait ce qu’il aimait,
Que tout, autour de lui, partageait son ivresse,
Et pour ces fronts sauvés n’était qu’une caresse !
Ses sens ne ressentaient ni fatigue ni faim.
Sur la mousse auprès d’elle il vint s’asseoir enfin.
Enivrant de plus près son âme de ses charmes,
Son regard sous les cils faisait monter des larmes :
De ces larmes du ciel, au goût délicieux,
Trop-plein d’un cœur mortel qui déborde des yeux,
Voile humide et brillant que l’excès de la joie
Comme un nuage au ciel sur le bonheur déploie.
Le front de Daïdha s’abandonnant à lui,
Renversé sur son bras, prit son cœur pour appui ;
Leurs mains sur leurs genoux par leurs doigts s’enlacèrent,
Et parlant à la fois, ensemble ils repassèrent,
Pas à pas, mots à mots, depuis le premier jour,
Tous les sentiers saignants de leur céleste amour ;
S’épuisant en aveux, en demandes frivoles,
Se faisant mille fois redire leurs paroles,
Des lèvres l’un à l’autre à l’envi les buvant,
Dans les aveux de l’un l’autre se retrouvant.
Voluptueux retour de deux âmes ravies,
Qui pour se réunir remontent leurs deux vies,
Et du bonheur présent pour mieux sentir le goût,
Recueillant leur mémoire et leurs larmes partout,
Dans la coupe écumante où leur lèvre s’abreuve,
Répandent comme un sel le fiel de leur épreuve !
Lentement dans leur cœur tout leur cœur se vida,
Jusqu’à ce que leur sein de bonheur déborda.