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Astres du firmament ! en croirez-vous vos yeux ?
Cédar ! c’était Cédar, reparu sous les cieux !
Cédar, libre du joug qui comprimait sa force,
Brandissant d’une main un chêne avec l’écorce,
Et de l’autre, en avant, tâtant l’obscurité,
Prêt à frapper du front ce cachot habité.
Vers la tour meurtrière à grands pas il s’avance,
Muet, et se mordant les lèvres de vengeance ;
On dirait qu’il revient par un doigt sûr conduit.
Mais comment sortait-il de sa mort, de sa nuit ?

Lorsque son corps gisant à ses bourreaux en butte
Était tombé du roc, entraînant dans sa chute,
Comme une pierre au cou, le grand tronc de palmier,
Le bois para le corps en tombant le premier ;
Les lianes, les joncs qui liaient l’homme à l’arbre,
Se rompirent du poids sur les pointes du marbre,
Et, quand du fond des flots le palmier remonta,
Par le tronc soutenu l’homme avec lui flotta.
À travers ses détours et ses gorges profondes,
L’Oronte bondissant les roula dans ses ondes.
En les perdant de l’œil sous un cap de son cours,
On les crut vers l’abîme entraînés pour toujours.
Cependant, réveillé par la fraîcheur des vagues,
Recueillant lentement quelques souvenirs vagues,
Et voyant devant lui fuir le ciel et le bord,
Cédar au sein des flots luttait contre la mort.
Embrassant le palmier d’une main convulsive,
Son instinct machinal le poussait vers la rive ;