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En leur parlant ainsi, ses deux mains convulsives
Pressaient contre son sein ces deux têtes naïves,
Semait de longs baisers qu’entrecoupaient ses pleurs
Leurs lèvres de corail, leurs yeux, leur joue en fleurs,
Enlaçait à son cou leurs bras pour les suspendre,
Imprimait ses doigts blancs sur leur peau rose et tendre,
Se mirait dans leurs yeux comme dans un miroir,
Fermait les siens d’horreur, les rouvrait pour les voir,
Tandis que les enfants que sa chaste mamelle
Attirait tour à tour et repoussait loin d’elle,
Prenant ces faux transports et ces pleurs pour des jeux,
Riaient en se jouant entre ses longs cheveux.
Quand du breuvage amer la source fut tarie,
Ces filles, sans pitié pour la voix qui les prie,
Portèrent les jumeaux dormants à la tribu,
Comme l’on trouble l’eau quand les agneaux ont bu !

Daïdha, du regard poursuivant chaque femme
Qui semblait emporter une part de son âme,
Du geste leur parla tant qu’elle put les voir.
Trois fois dans la journée ils tetèrent ; le soir,
Quand les femmes du chef vinrent vers la fenêtre,
Elles ne virent plus Daïdha reparaître.
Leur voix, pour l’avertir, l’appela dans la tour ;
Une mourante voix en sortit à son tour ;
Ses jambes, fléchissant sous l’angoisse mortelle,
Ne pouvaient plus du sol se déplier sous elle.
Aux cris de ses petits, elle fit un effort ;
Mais l’élan de son cœur ne put lever la mort :