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On vide de cailloux le lit de la rivière,
À la maison de mort chacun roule sa pierre ;
Chacun veut à l’envi que le chef inhumain
Dans l’expiation reconnaisse sa main.

Autour de Daïdha, dans son sépulcre assise,
Déjà les blocs montaient assise sur assise ;
Son âme, à demi morte, entendait retentir
Les pierres du tombeau qui devait l’engloutir ;
Ainsi que la victime au couteau s’abandonne,
Ses yeux, fixés au sol, n’imploraient plus personne ;
Son front lourd sur son sein tombait de tout son poids ;
Son visage glacé se cachait dans ses doigts,
Et l’ondulation des cheveux sur la mousse
De son cœur qui battait marquait chaque secousse.
Elle semblait avoir accepté son cercueil ;
Mais quand, baissant les mains, elle vit d’un coup d’œil
L’enceinte du rocher montant pour sa torture
De ses frères bientôt dépasser la ceinture,
Comme un homme endormi qu’une vipère mord,
Elle bondit de terre avec un cri de mort,
Elle tendit ses bras tout chargés de prières
Aux femmes des tribus, assises près des pierres :
« Oh ! dit-elle, arrêtez, arrêtez un moment
Avant de refermer ce fatal monument !
Ô ma mère ! ô mes sœurs ! ô frères de ma race !
À mes derniers soupirs accordez une grâce :
Laissez une fenêtre étroite à cette tour,
Non pour que dans ma nuit il entre un peu de jour,