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Puis se précipitant à ses pieds à genoux :
« Toi m’aimer, Daïdha ! dit-il, moi ton époux !
Rêver de ton amour la nuit, croire t’entendre !
M’enivrer de ces pleurs que tu viens de répandre !
Et reposer encor ma tête sur tes bras
Pendant qu’ainsi toujours tu me regarderas ?
Ressentir sur mon cou l’haleine de ta bouche,
Comme l’eau qui frémit sous le vent qui la touche ?
Me cacher tendrement le front sous tes cheveux,
Ton souffle dans mon souffle et mes yeux dans tes yeux ?
Et partir, moi ! m’enfuir, craignant les coups du lâche ?
Oh ! béni soit cent fois le joug dont il m’attache !
Que m’importent leurs coups ? Tiens, vois, je suis guéri ;
Sous ta lèvre à l’instant tout mon sang a tari !
À ce prix, Daïdha, que mille fois je meure,
Car je vis mille fois dans une pareille heure !… »
Il arracha des mains et foula sous ses pieds
Les feuillages de simple à ses membres liés ;
Mais portant les cheveux à ses lèvres brûlantes :
« Cheveux de Daïdha, soyez mes seules plantes !
De mon terrestre Éden vous ombragez la fleur !
Vous prenez pour grandir votre suc dans son cœur !
Vous embaumez les airs de vos pures haleines !
Je vous arroserai du pur sang de mes veines ! »
De ses baisers de flamme il les couvrit cent fois,
Et comme des anneaux les noua sur ses doigts.

Passant à chaque mot de la mort au sourire,
Daïdha sans parler contemplait ce délire.