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Par sa lèvre altérée ardemment recueillie,
De ce cœur qui se fond buvait jusqu’à la lie.
Au son de cette voix dans son âme entendu
Il demeurait muet, enivré, suspendu,
N’osant d’un mouvement, d’un coup d’œil ou d’un geste,
Arrêter de l’amour l’épanchement céleste :
Comme un homme altéré, qui trouve en son chemin
L’enfant qui vient du puits une amphore à la main,
Colle sa lèvre ardente, et sans reprendre haleine
Épuise jusqu’au fond la coupe toute pleine.
Par leur baume divin chacun de ces accents
Changeait en volupté l’angoisse de ses sens :
Son sang ne coulant plus de la moindre blessure,
Rappelé vers le cœur, s’arrêtait à mesure ;
Il ne sentait pas plus ses membres douloureux
Qu’au retour du printemps le lion amoureux
Que le rugissement de la lionne appelle,
Bondissant sur ses pas, le feu dans sa prunelle,
Laissant aux rocs aigus sa crinière et son sang,
Ne sent, dans ses transports, l’épine dans son flanc.
Cet amour qu’il buvait sur sa lèvre glacée
Avait en un seul sens concentré sa pensée.
Mais quand la voix tremblante et muette eut tout dit,
Il ne se leva pas de terre : il en bondit,
Ses cheveux ondoyants comme sous la tempête,
Élevant ses deux mains au niveau de sa tête
Et les frappant ensemble au-dessus de son front.
Courant d’un arbre à l’autre, en embrassant le tronc,
Sans paraître écouter la voix qui le rappelle,
Il décrivit trois fois un grand cercle autour d’elle ;