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Ils ont déjà frappé de flèches et de pierres
Ces membres tout baignés de l’eau de mes paupières.
N’ai-je pas entendu leur sinistre projet ?
Ils reviendront demain achever leur forfait :
Leur crainte de Phayr retarde ton supplice ;
Mais ma mère au vieillard a demandé justice :
Son orgueil veut couvrir par la mort et l’oubli
La honte de son sang dans mon cœur avili.
Tu mourras sous leur pierre ou tu vivras d’outrages,
Si la fuite à l’instant ne trompe tant de rages.
Va, fuis sans regarder derrière, et sans retour,
Fuis, emporte avec toi ma vie et mon amour !
Par la flèche des yeux mortellement blessée,
Je mourrai vite ici des coups de ma pensée :
Les gouttes de mes yeux étoufferont mon cœur,
Comme l’ondée abat et défeuille la fleur ;
Mais fidèle à ta trace, ô frère de mon âme,
Nul enfant du désert ne m’appellera femme ;
Et s’il est sous la terre, au pays des aïeux,
Une terre où l’esclave a des sœurs et des dieux,
Échappant aux fureurs de leur haine jalouse,
J’irai t’y préparer la couche de l’épouse,
Et, rejoints pour toujours sous d’autres firmaments,
Nous irons nous aimer dans le ciel des amants ! »

En lui parlant ainsi, les lèvres sur la joue,
Entre les cils des yeux que le sanglot secoue
Les gouttes de ses pleurs filtraient comme un ruisseau ;
Et Cédar, sur son front sentant tomber leur eau