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que de me dépouiller de mon individualité, et, si je le pouvais, je ne le voudrais pas ; car le peu de bien qui est en moi vient de lui et non de moi. Je l’ai dit ailleurs : je considère le christianisme comme la plus vaste et la plus pure émanation de révélations divines qui ait jamais illuminé et sanctifié l’intelligence humaine. Mais cela ne veut pas dire que je foule aux pieds ou que je veuille éteindre en moi cette autre révélation permanente et croissante avec les temps, que Dieu fait rayonner dans la raison. L’idée religieuse, divine dans son principe, lorsqu’elle devient institution humaine, tombe dans des mains d’hommes et peut, par ce contact, participer à l’action des temps. En traversant des âges d’ignorance, le rayon le plus pur peut contracter quelque chose de la nuit même qu’il a imparfaitement dissipée. Pour que les saintes institutions soient puissantes, la religion et la raison doivent concorder ; il faut que l’intelligence éclairée trouve dans la raison la sanction et l’admiration de sa foi.

Je pense que c’est l’œuvre des hommes de bonne volonté et de pieuse nature, d’écarter le plus possible de ces nuages qui empêchent le sentiment religieux de prévaloir plus complétement. Plus Dieu sera visible, mieux il sera adoré. Séparer la foi de la raison, c’est éteindre le soleil pour substituer à la lumière de l’astre permanent et universel la lueur d’une lampe que l’homme porte en chancelant, et que l’on peut cacher avec la main. Il faut que la contradiction cesse entre ces deux clartés pour les multiplier et les étendre. C’est la lumière de Dieu qui juge toute autre lumière. Toute clarté qui n’éclaire pas partout et toujours n’est pas un astre ; c’est un flambeau. Vouloir cette union complète de la raison et de la religion dans l’œuvre d’adoration et de