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Je remplissais de toi ce vide des journées.
Comme ces plantes d’or, vers le soleil tournées,
Qui regardent toujours où leur astre est monté,
Mon âme regardait toujours de ton côté ;
Les accents de ta voix restaient dans mon oreille,
Comme ceux de l’enfant que sa mère réveille.
Dans le silence en moi toujours je t’entendais ;
Tu me disais… que sais-je ?… et je te répondais ;
Et dans ces entretiens tu me parlais de choses
Qui sur ma joue en feu faisaient monter les roses !
Et puis je regardais, tout le cœur suspendu,
Si les autres aussi n’avaient rien entendu,
Si l’on n’avait pas vu rougir ma joue heureuse !
Mais en venant vers toi, je me sentais peureuse,
Et je ne trouvais rien à te dire, et souvent,
Pour qu’il te le rendît, je le disais au vent !
Oh ! n’en disait-il rien à ta tendre pensée,
Quand, relevant sur moi ta paupière baissée,
Comme écoutant quelqu’un qui te parlait tout bas,
Tu commençais des mots que tu n’achevais pas ?

» Je n’étais qu’une enfant alors ! mais à mesure
Que la lune en changeant rendait ma raison mûre,
Tout ce bonheur partit et tout l’amour resta :
Tu sais comme entre nous le regard s’attrista !
Oh ! mais tu ne sais pas, je te cachais, ô frère !
Que de pleurs ma pitié donnait à ta misère.
En voyant profaner sous d’indignes liens
Celui dont les regards faisaient baisser les miens,