Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/13

Cette page a été validée par deux contributeurs.

résout en adoration, comme toute vie en intelligence. Les hommes, selon leur nature, sont plus ou moins frappés de ce sens divin des choses, dont ils sont tous des instruments. Quant à moi, je ne m’en glorifie ni ne m’en humilie ; mais, doué de bonne heure de ce sens de la contemplation et de l’adoration, l’évidence divine me pénètre par tous les pores ; et, pour éteindre Dieu en moi, il faudrait à la fois anéantir mon intelligence et mes sens. Je me sens religieux comme l’air est transparent. Je me sens homme surtout par le sens qui adore. Si c’est là ce que certains critiques appellent panthéisme, irréligion, impiété, il faut que je me révèle bien mal ou qu’ils soient bien sourds.

Quant aux attaques contre le christianisme, dont ils ont cru voir de nouveaux symptômes dans les fragments du livre primitif où le prophète donne aux jeunes sauvages l’idée pure et primordiale de Dieu et quelques notions du culte primitif, je ne puis que dire ce que j’ai dit, en réponse aux mêmes controverses, dans la seconde préface de Jocelyn.

Il n’entrera jamais dans ma pensée d’attaquer l’ineffable doctrine où le christianisme a retrempé, rajeuni et divinisé l’esprit humain. Toutes les vérités sont en lui, et nous ne faisons que balbutier sous d’autres formes, en les lui empruntant, les notions parfaites de Dieu et de morale que son divin auteur a enseignées à l’humanité. Le christianisme a été la vie intellectuelle du monde depuis dix-huit cents ans, et l’homme n’a pas découvert jusqu’ici une vérité morale ou une vertu qui ne fussent contenues en germe dans les paroles évangéliques. Je crois son œuvre bien loin d’être accomplie ; j’ai été élevé dans son sein ; j’ai été formé de sa substance ; il me serait aussi impossible de m’en dépouiller