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De son front ondoyant ses cheveux déliés
Tombaient de toutes parts de sa tête à ses pieds :
Noyant de leurs flots noirs le sein et les épaules,
Comme ces verts rameaux des frênes et des saules,
Qui, du sommet du tronc vers le sol refoulés,
Penchent jusqu’au gazon leurs jets échevelés,
D’où les pleurs du matin distillent goutte à goutte,
D’une ombre transparente ils l’enveloppaient toute.
On eût dit une nuit sous son voile de jais,
Si le vent quelquefois, en soulevant le dais,
N’eût fait sous chaque haleine ondoyer une tresse,
Et, découvrant un peu le sein sous sa caresse,
N’eût laissé par éclairs le rayon l’entrevoir,
Comme à travers la feuille une étoile le soir.
Or, sous ce noir réseau que perçait cet albâtre,
On entendait sa voix et son rire folâtre ;
Et sa mère lui dit : « Commençons, si tu veux ! »
Et relevant de terre un pan de ses cheveux,
Elle les déplia des doigts en large voile,
Ainsi qu’un tisserand qui prépare sa toile,
Et qui noue au métier, avant de le tisser,
Le fil où sous le fil la trame va glisser.
Puis approchant des fleurs et des fibres trempées
Des feuilles du palmier par l’hiver découpées,
Et des perles du fleuve et des grains de carmin,
Elle les lui tendait en avançant la main ;
Et, les recevant d’elle en se penchant, sa fille,
Dans l’épine au long dard qui lui servait d’aiguille,
Comme fait le pêcheur des mailles d’un filet,
Aux fibres du palmier toutes les enfilait ;