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Laissait de ses yeux bleus pleuvoir la flamme humide,
Lui commandait riante avec sa voix timide,
Passait dans ses cheveux son doigt aérien,
Le laissait à ses pieds se coucher comme un chien,
Courir sous les forêts après elle, ou l’attendre,
Ou par un tronc caché tout à coup la surprendre ;
Et les heures ainsi n’étaient plus qu’un moment,
Et chaque jour rendait le même enivrement.
Puis, quand l’ombre, grandie au soleil qui s’incline,
En rasant les palmiers penchait vers la colline,
De peur qu’aux yeux jaloux des enfants de Phayr
Ce secret de pitié ne vînt à la trahir,
Daïdha renouait, comme avant, les entraves,
Et trempait de ses pleurs ces anneaux des esclaves.






Cependant sa beauté, que l’âge accomplissait,
De sa pure ignorance encor s’embellissait :
Mais déjà quelquefois sa vague inquiétude
Lui faisait du désert craindre la solitude.
Partout rêveuse et triste où Cédar n’était pas,
La crainte à son aspect ralentissait ses pas ;
Elle restait muette, immobile et confuse,
Comme un enfant surpris et qu’une mère accuse,
Ou comme Ève devant le père des humains,
Tenant le fruit coupable encore dans ses mains.