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Et ce frémissement que causait sa présence ;
Et cette tête lourde où pesait son absence ;
Et sur l’herbe ou les fleurs l’empreinte de ses pas ;
Et l’image d’enfant qu’il pressait dans ses bras ;
Et tout ce qui dans l’œil, l’oreille ou la pensée,
Ramenait Daïdha présente ou retracée.
Puis, passant d’elle à tout ce qu’elle remplissait,
D’interrogations son geste la pressait ;
Et son âme, à sa voix s’éclairant à mesure,
Se portait à la fois sur toute la nature :
Le firmament, le jour, la terre qu’il foulait,
L’arbre où chantait l’oiseau, le fleuve qui coulait,
Les plantes, les troupeaux, les fleurs, et chaque chose
Où flotte la pensée, où le regard se pose,
Les ombres et le jour, le silence et le bruit,
Ce qui marche ou qui vole, ou nage, ou plane, ou luit,
Indiqué tour à tour par son regard de flamme,
Recevait son vrai nom et passait dans son âme ;
De l’enfant qui nommait tous ces objets divers,
La parole semblait lui créer l’univers !
Daïdha, triomphante et rayonnant d’ivresse,
Lui payait chaque mot d’une chaste caresse,
Remerciait la bouche où la première fois
L’écho de sa parole avait créé la voix ;
Puis elle s’en allait à travers la campagne,
Lente, comme quelqu’un qu’une idée accompagne,
Roulant dans sa pensée et cachant dans son cœur,
Tels qu’un secret d’amour, sa gloire et son bonheur.
Et Cédar, resté seul rêveur sur le rivage,
Dans chaque mot appris repassait son image !…