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Sur le front de l’enfant, dont le cou tremble et vibre,
Il posait doucement le vase en équilibre ;
Et l’enfant, relevant en anses ses deux bras,
Se tournait pour sourire et fuyait à grands pas.
Il sentait que son cœur s’en allait avec elle ;
Il voyait ses cheveux, soulevés comme une aile,
Glisser entre les troncs des platanes jaloux ;
Il la suivait des yeux, il tombait à genoux
Sur l’herbe où ses pieds blancs avaient laissé leur trace ;
De sa bouche muette il en pressait la place.
Comme un homme pensif qui se ferme les yeux
Pour suivre une pensée et qui croit la voir mieux,
Il restait quelque temps les deux mains sur sa vue,
Pour mieux voir dans son cœur l’image disparue ;
Il écoutait parfois si la brise en glissant
De la lointaine voix n’aurait pas un accent ;
Et quand, dans le désert que faisait son absence,
Tout redevenait nuit, solitude et silence,
De ce départ trop prompt attristé tout le jour,
Son cœur impatient aspirait au retour.
Ainsi passait pour lui, du retour à l’absence,
De l’absence au retour, toute son existence,
Et de ses durs liens perdant le sentiment,
Il n’avait qu’une idée, un plaisir, un tourment :
Âme qui, pour nourrir sa vie intérieure,
Au cœur n’a qu’une image et dans le jour qu’une heure.

Et cependant son corps avec l’âge croissait,
De sa mâle beauté l’essor s’accomplissait :