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Et portant aux captifs leur pauvre nourriture,
Comme aux oiseaux des champs on jette leur pâture.
Sitôt qu’il entendait l’harmonieuse voix,
L’appelant par son nom, résonner sous les bois,
Tous ses sens absorbés vibraient dans son oreille ;
Il se levait semblable à l’homme qui s’éveille,
Oubliait sa pensée et la longueur du jour :
Le jour, c’était pour lui l’heure de ce retour.
Il s’élançait rapide à cette voix si douce
Dont son cœur recevait la soudaine secousse ;
Il brisait en courant les branches devant lui,
Ses pieds prenaient à peine à terre leur appui :
Il semblait que son corps soulevé par une aile
L’emportait ; puis soudain, quand il approchait d’elle,
Qu’à trois pas de l’enfant il arrivait joyeux,
Sous le rayonnement attendri de ses yeux,
La force défaillant à son âme trop pleine
Dans son sein qui battait faisait manquer l’haleine,
Ses genoux vacillants sous lui se dérobaient,
Ses regards éblouis vers le sol retombaient,
Et debout, pâle et froid comme un homme de marbre,
Il restait un moment appuyé contre un arbre.

Mais elle, s’avançant dans sa chaste candeur,
Courait rouge de joie autant que de pudeur,
Déposait à ses pieds pour les heures brûlantes
Son rustique festin dans les feuilles des plantes ;
Élevant son amphore à ses lèvres de feu,
De l’écume du lait les abreuvait un peu ;