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Duhem, Legendre, Billaud, Duquesnoy. — Il va bientôt nous transformer en accusés et le roi en juge, observe ironiquement Julien. — Je dis, reprend Lanjuinais, que vous, les conspirateurs avoués du 10 août, vous seriez à la fois les ennemis, les accusateurs, le jury d’accusation, le jury de jugement et les juges… — Faites-le taire ! c’est la guerre civile qui parle ! je demande à l’accuser les preuves à la main ! dit Choudieu. — Vous m’écouterez, reprend Lanjuinais. — Non ! non ! à bas de la tribune ! à la barre, à la barre des accusés ! crient mille voix. — A l’Abbaye ! à l’Abbaye ! » leur répondent les voix des tribunes. Le silence se rétablit.

« Je n’ai point incriminé, reprend froidement Lanjuinais, la conspiration du 10 août. Je dis qu’il y a de saintes conspirations contre la tyrannie ; je sais que ce Brutus, dont je vois là l’image, a été un de ces illustres et saints conspirateurs ; mais je continue mon raisonnement, et je dis : Vous ne pouvez être juges de l’homme désarmé dont vous vous êtes déclarés vous-mêmes les ennemis mortels et personnels ! vous ne pouvez être juges, ayant tous, ou presque tous, déclaré d’avance votre opinion, et quelques-uns avec une férocité scandaleuse. (Des murmures de colère grondent de nouveau sur quelques bancs). Il y a une loi naturelle, imprescriptible, positive, qui veut que tout accusé soit jugé sous la protection des lois de son pays. Si donc il est vrai que nous ne pouvons rester juges ; s’il est vrai que moi et plusieurs autres nous aimons mieux mourir que de condamner à mort, en violant la justice, le plus abominable des tyrans… » Une voix s’élève : « Vous aimez donc mieux le salut du tyran que le salut du peuple !… » Lanjuinais cherche des yeux l’interrupteur comme pour le remercier