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fierté rougit cependant d’implorer d’eux une autre justice que la justice de leur conscience. « Il faut retrancher cette péroraison, dit Louis à Desèze, je ne veux point attendrir mes accusateurs ! » Desèze résista ; mais la dignité de sa mort appartient au mourant. Le défenseur céda. Quand il se fut retiré avec Tronchet, le roi, resté seul avec Malesherbes, parut obsédé d’une pensée secrète. « J’ai une grande peine ajoutée à tant d’autres, dit-il à son ami. Desèze et Tronchet ne me doivent rien ; ils me donnent leur temps, leur travail et peut-être leur vie. Comment reconnaître un tel service ? Je n’ai plus rien ; quand je leur ferais un legs, ce legs ne serait pas acquitté. D’ailleurs, ce n’est pas la fortune qui acquitte une telle dette ! — Sire, dit Malesherbes, leur conscience et la postérité se chargeront de leur récompense. Mais vous pouvez dès à présent leur en accorder une qu’ils estimeront plus haut prix que vos plus riches faveurs quand vous étiez heureux et puissant. — Laquelle ? demanda le roi. — Sire, embrassez-les ! » Le lendemain, quand Desèze et Tronchet entrèrent dans la chambre du captif pour l’accompagner à la Convention, le roi en silence s’approcha d’eux, ouvrit ses bras et les tint longtemps embrassés. L’accusé et les défenseurs ne se parlèrent que par leurs sanglots. Le roi se sentit soulagé. Il avait donné tout ce qu’il avait, un serrement contre son cœur. Desèze et Tronchet se sentirent payés. Ils avaient reçu tout ce qu’ils ambitionnaient le salaire de larmes d’un malheureux abandonné de tous ses sujets, le geste de reconnaissance d’un mourant.