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ces mots entre eux un regard d’intelligence et se turent, comme réfléchissant en eux-mêmes laquelle de ces deux doctrines était la plus courageuse et la plus sainte de celle qui permet de se dérober au sort, ou de celle qui ordonne de subir sa destinée en l’acceptant.

La porte de la chambre du roi s’ouvrit. Malesherbes s’avança, incliné et d’un pas chancelant, vers son maître. Louis XVI était assis auprès d’une petite table. Il tenait à la main et lisait avec recueillement un volume de Tacite, cet évangile romain des grandes morts. A l’aspect de son ancien ministre, le roi rejeta le livre, se leva et s’élança les bras ouverts et les yeux mouillés vers le vieillard : « Ah ! lui dit-il en le serrant dans ses bras, où me retrouvez-vous ? et où m’a conduit ma passion pour l’amélioration du sort de ce peuple que nous avons tant aimé tous les deux ? Où venez-vous me chercher ? Votre dévouement expose votre vie et ne sauvera pas la mienne ! »

Malesherbes exprima au roi, en pleurant sur ses mains, le bonheur qu’il éprouvait à lui consacrer un reste de vie et à lui montrer dans les fers un attachement toujours suspect dans les palais. Il essaya de rendre au prisonnier l’espérance dans la justice de ses juges et dans la pitié d’un peuple lassé de le persécuter. « Non, non, répondit le roi, ils me feront mourir, j’en suis sûr ; ils en ont le pouvoir et la volonté. Qu’importe ? occupons-nous de mon procès comme si je devais le gagner ; et je le gagnerai en effet, puisque la mémoire que je laisserai sera sans tache. »